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Sarah Beauvery Joguet est distributrice de films. Il y a peu, elle est tombée sous le charme du cinéma turc. Afin de le faire connaître, elle a lancé le projet Mavijaan avec Lydie Vessella, une autre adepte du septième art turc. Interview.
Parlez-nous un peu du projet Mavijaan ?
C’est un projet très récent qui vise à créer la première société française indépendante de distribution cinématographique spécialisée dans les films turcs. Le cinéma et les séries turcs sont très peu diffusés en France aujourd’hui, alors que la Turquie est le deuxième exportateur de séries télévisées au monde. L’objectif est de faire connaître les productions turques en France. Pour cela, le projet se base sur deux axes : la distribution auprès des salles de cinéma et l'édition de films, séries et documentaires sur une plateforme internet.
Comment avez commencez à vous intéresser au cinéma turc ?
J’ai découvert par hasard le film Sadece sen et, quelques mois plus tard, la série historique Kurt Seyit ve Şura. J’ai été très touchée par les thèmes, les émotions et le jeu d’acteur. J’ai aussi été étonnée de découvrir une production de qualité.
C’est-à-dire ?
Aujourd’hui, par souci d’économie, l’industrie cinématographique dans le monde a de plus en plus recourt à des tournages en salle, avec des décors et des effets spéciaux. Mais cela aseptise le réalisme du film. A l’inverse, l’industrie turque possède énormément de moyens au service du réalisme et de la précision. Les décors sont en extérieur et les plans de voiture sont des vrais plans par exemple. Le jeu d’acteur est également très soigné. Les Turcs utilisent une technique appelée çubuk, inspiré de techniques américaines qui mettent l’accent sur la psychologie du personnage. Cela donne un rendu très réaliste.
Qu’est-ce qui vous fait penser que la France est prête pour le cinéma turc ?
On a un public. En France, la population franco-turque a dépassé le million. C’est une base très solide pour lancer notre projet, même si nous ne visons pas uniquement les Turcs vivant en France. Depuis plusieurs années, s’est formée aussi une communauté jeune de fans, qui ont découvert l’univers turc grâce à Netflix et qui sont très actifs sur les forums.
De plus, nous bénéficions de six ans d’expérience passée dans l’industrie du cinéma et de l’ensemble du réseau que l’on a construit. Je parle de plus d’une quarantaine de salles, des Gaumont, Cinéville … Bien sûr nous n’excluons pas les cinémas indépendants, ça dépendra des films. Certaines choses ne marcheront pas en France… Les comédies turques par exemple, l’humour est trop différent de celui de l’Hexagone.
Nous voulons montrer une autre image de la Turquie, à travers l’art visuel et le cinéma. Parce que les médias ne lui rendent pas justice.
Vous vous êtes rendues à Istanbul, comment a été accueilli votre projet ?
Nous sommes allées en Turquie négocier avec les producteurs, les réalisateurs, les acteurs. Ils étaient très enthousiastes et sont prêts à faire le nécessaire pour que ça marche : à se déplacer en France, à faire des avant-premières. Ils sont très travailleurs. Pour les séries, ils tournent en moyenne 18h par jour, 6/7 jours…
Nous avons été très chaleureusement accueillies et on a eu la chance de rencontrer des grands noms du cinéma turc : l’acteur Kıvanç Tatlıtuğ, le réalisateur Altan Dönmez, le compositeur Yıldıray Gürgen...
Comment est-ce que ce projet va se dérouler ?
Pour l’instant, nous avons lancé une campagne de crowdfunding. Si nous atteignons notre objectif de 5 000 euros, nous projetterons le premier film en novembre et, en janvier, nous organiserons un événement au Grand Rex de Paris pour que les Turcs puissent rencontrer leur public français.
Dans un deuxième temps, nous allons mettre en place une plateforme sur internet pour les court-métrages, les documentaires, les films d’animation et, cela fonctionne, les séries. En parallèle nous sommes en train de mettre en place un partenariat avec des agences touristiques pour développer un cinétourisme à Istanbul. Pour que les fans puissent visiter les lieux de tournage, assister à des masterclass avec les réalisateurs, etc.
Marianne Kerdat
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