Le film turc « Vous le connaissez » (Nasipse adayız) écrit et réalisé par Ercan KESAL a été choisi pour inaugurer le 18ème festival du cinéma de Turquie. Cette première projection sur le sol français s’est déroulée au Louxor, le palais du cinéma à Paris.
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Le Festival du cinéma de Turquie
Le Festival du cinéma de Turquie est organisé par L’ACORT (L’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie) en partenariat avec la Mairie de Paris, le cinéma Le Louxor et le cinéma Le Brady. Les différentes projections se déroulent dans ces deux établissements.
Nous remercions Deniz Inceoğlu, la coordinatrice du festival, pour son accueil chaleureux et sa disponibilité pour l’équipe de Mavijaan.
Qui est Ercan KESAL ?
Ercan KESAL a l’air d’avoir vécu tant de vies durant ses 61 années d’existence. Médecin, philosophe, écrivain, scénariste, acteur et c’est un Ercan KESAL réalisateur que j’ai rencontré vendredi 17 septembre à l’occasion de l’inauguration du 18e festival du cinéma de Turquie.
Toutes ces casquettes n’ont pas eu raison de son authenticité et de son ouverture aux autres. C’est avec un grand plaisir que nous avons pu échanger.
Nasipse adayız (Vous le connaissez)
Nasipse adayız est l’adaptation au cinéma du roman éponyme écrit par Ercan KESAL et publié en 2015. Pour sa première expérience à la réalisation, notre invité du jour a choisi un sujet qu’il maîtrise : son expérience personnelle aux élections municipales istanbouliotes de 2001.
Oui. Ercan KESAL écrit mais il s’inspire énormément de sa vie et pioche allègrement dans ses souvenirs. Comme il aime le dire avec beaucoup d’humilité, « Je n’ai aucune formation d’acteur. Je ne sais pas jouer la comédie. Je reste moi-même ».
Après le visionnage de ses prestations et surtout après avoir vu « Vous le connaissez », je peux certifier qu’Ercan KESAL sait jouer la comédie. On le retrouve ici dans la peau d’un médecin qui cherche à intégrer le monde de la politique. Loin de son personnage actuel, c’était une autre vie, c’était un tout autre homme.
Ce film turc est une satire politique. Il est comique et parfois malaisant mais il se laisse regarder jusqu’au bout. « Vous le connaissez » nous montre les difficultés, les concessions et les compromis (pour ne pas dire magouilles) qu’il faut endurer et/ou fomenter pour accéder à la sphère politique.
Nasipse adayız (Vous le connaissez) : Mise en scène et cadrage
Ercan KESAL voulait que ce film colle le plus possible avec la réalité. Ainsi, il m’a confirmé que le choix de filmer « caméra à l’épaule » et l’utilisation de plans séquences de longue durée et en grand nombre n’étaient pas innocents. Il voulait un style reportage.
Notre jeune réalisateur a donc choisi de travailler avec Barbu Balasoiu, un chef opérateur qui lui a tapé dans l’œil. La maitrise du cadre, même pour les longs plans séquences allant jusqu’à 15 minutes, nous montre à quel point ce choix était judicieux. « Vous le connaissez » est une véritable prouesse technique.
Le film met en scène un candidat aux élections municipales qui voit graviter un nombre incalculable de monde autour de lui. La mise en scène nous montre cependant sa grande solitude dans cet environnement bondé. Le personnage principal (Kemal Güner) est la majeure partie du temps cadré en plein milieu de l’écran, délaissant la fameuse règle des tiers, et accentuant l’impression d’isolement. Plus le film avance, plus l’acteur est seul dans le cadre. Les autres personnages sont hors champ. Cette œuvre est à montrer dans les écoles !
La netteté approximative (pour la scène du copain de l’ex), les plans séquences, le cadrage, les métaphores… Ce film est une masterclass sur la mise en scène de l’isolement d’un personnage dans son environnement. Sans trop spoiler, la scène de l’ascenseur et la scène du discours lors du repas résument parfaitement la situation par leur symbolique.
Ercan KESAL réalisateur ?
Ercan KESAL rêvait de devenir réalisateur et il l’a fait. Pour sa première expérience dans la réalisation, il a su s’entourer de techniciens expérimentés et ça se voit à l’écran.
Lorsque je lui ai demandé si le rôle de réalisateur lui plaisait, il m’a répondu qu’il adorait ça et qu’il allait sans aucune hésitation remettre les couverts… pour notre plus grand plaisir.
Je ne peux pas conclure cet article sans saluer Jalal HADDAD, le traducteur d’Ercan KESAL pour cette soirée. Monsieur KESAL est un philosophe. Les sujets qu’il a abordés lors de la séance questions-réponses allaient du cinéma à la psychologie en passant par la politique et la réalité de la vie, le tout avec des expressions idiomatiques (propres à chaque langue) qui par définition sont très difficiles à traduire. Chapeau bas !
Vous l’avez sans doute deviné : nous recommandons chaudement Nasipse adayız d’Ercan KESAL… N'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé en commentaire ou sur nos réseaux sociaux.
Article et photos par Beşir Ardıçlık
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